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Sénégal

Post-sommet de la Francophonie : la lucidité après les festivités

 Les rideaux sont enfin tombés ce 2 décembre 2014, sur le sommet de la Francophonie et son forum économique organisés à Dakar. L’opinion publique sénégalaise a été partagée entre festivités liées à la succession d’Abdou Diouf, Secrétaire général de l’OIF et le contre-sommet à forts relents de réquisitoire anti-Françafrique. Tout cela dans un vaste flot d’informations. Seulement,  quelque chose m’échappe.  Nous sommes-nous assez intéressés à la trajectoire de la Francophonie ?

Créée dans la décennie 70, par des chefs d’Etats amoureux de la langue française, la Francophonie était d’abord un outil de promotion culturelle et de coopération technique (ACCT). Profitant du vent de changement démocratique en Afrique particulièrement, elle a évolué pour se chercher une dimension politique prônant la promotion de la paix et du développement dans les pays membres. L’accession à ce poste de notre compatriote Abdou Diouf lui a indéniablement permis d’acquérir cette dimension. Auréolé de son passé de chef d’Etat ayant quitté démocratiquement le pouvoir, riche de ses 30 ans de carrière dans la haute administration du Sénégal et fort de son aura, il a réussi à faire de l’Organisation internationale de la Francophonie, une organisation à dimension planétaire (une sorte d’ONU francophone).

Le récent sommet de Dakar, a été l’occasion pour l’organisation de faire évoluer ses projets. En ces temps de difficultés financières des pays du Nord comme du Sud, on parle de Francophonie économique comme en atteste le forum économique de cette édition. Ce sont les Etats africains qui constituent les membres de l’organisation les plus nombreux. De plus, le fort potentiel du continent aiguise les appétits des puissances d’Asie (Qatar ?), d’Amérique (Canada) et d’Europe (Belgique et France).

Cette nouvelle dimension cristallise les passions. La volonté de certains pays développés, membres de ladite organisation, de gagner des parts de marché en concurrençant la Chine en Afrique, ressemble à un partage du butin. Après la culture, la politique et maintenant l’économie est à l’honneur. Cette évolution va dans le sens d’une hégémonie des puissants sur notre continent. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre la montée au créneau de certains intellectuels sénégalais et la tentative avortée d’organiser un contre-sommet.

A l’heure du bilan de ce sommet, l’Afrique francophone est à la croisée des chemins : avoir une préférence dans les échanges avec les pays francophones ou s’ouvrir à tous. L’Afrique d’aujourd’hui doit être intelligente dans ses choix de partenariat. L’avenir du monde ne peut se faire sans nous. Elle doit donc se faire selon nos conditions tout en évitant de tomber dans le piège du narcissisme.

Mohamed Seck

02/ 12/ 2014

Des producteurs modernes pour une autosuffisance en riz

1937868 10202481781317372 1039559286 nDepuis les années 60, l’Etat du Sénégal à travers divers politiques et programmes a souhaité faire de l’agriculture le socle de son développement économique.

Long de prés de 1800Km, le fleuve Sénégal devait y participer en soutenant l’agriculture irriguée dans la vallée et le delta. Prés d’un demi-siècle plus tard, force est de reconnaître que les objectifs tardent à être atteints en matière d’autosuffisance alimentaire. Nous sommes en droit de nous interroger sur les raisons de ce blocage. Viennent-ils des structures étatiques ou des producteurs et de leurs organisations ?

C’est en 1965, que la Société d’Aménagement et d’Exploitation des terres du Delta et de la vallée du fleuve Sénégal et de la Falémé (SAED) fut créée.  Ses missions étaient la réalisation des aménagements hydro agricoles en régie, l’exploitation et l’encadrement technique, la gestion des réseaux et stations de pompage ainsi que  la transformation et la commercialisation de la production agricole.

A la faveur de son désengagement dans les années 90, un ensemble de compétences est transféré aux organisations de producteurs. La SAED se concentre sur la mise en œuvre des investissements de l’Etat, la planification régionale, l’appui-conseil et la formation aux organisations, le suivi-évaluation et la recherche-développement.

La maîtrise de l’eau a été aussi un défi majeur pour les jeunes Etats africains après leur indépendance. Ceux riverains du fleuve Sénégal créèrent en 1972, l’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal (OMVS). Dans l’optique de mieux gérer le liquide précieux, des barrages seront construits afin de maitriser les crues, de stopper la lame saline, de faciliter la navigabilité, de produire de l’électricité. Le Barrage anti-sel de Diama sera mis en service en 1986 et  celui hydroélectrique de Manantali en 1988.

L’accès au crédit est resté pour les producteurs une épine à leurs pieds. Suite aux échecs des  programmes gérés par les défunts ONCAD, BNDS, Fonds mutualiste du développement rural et à la faillite des organismes, la CNCAS est créé en 1984. C’est une société à économie mixte ayant pour missions le financement de l’ensemble des activités agricoles et non agricoles exercées en milieu rural. Dans sa procédure d’octroi des financements, la CNCAS s’associe aux les producteurs ainsi que la SAED pour garantir la faisabilité technique.

A l’aune de cette chronologie des faits, nous sommes convaincus que des efforts notables  ont été faits pour offrir à notre pays un destin de leader agricole. En effet, des investissements ont été faits pour aménager les terres, maîtriser l’eau et garantir l’accès aux crédits.

Les organisations paysannes ont réussi avec l’aide de l’Etat à se formaliser, trouver  un statut juridique et garantir les fonds prêtés par les banques. Ces corporations ont le mérite d’organiser et de planifier toutes les activités d’une campagne. Elles sont les structures par lesquelles les pouvoirs publics agissent aujourd’hui pour moderniser l’agriculture.

Le désengagement partiel de l’Etat à travers la SAED s’est fait au profit des organisations de producteurs. La gestion en régie des stations de pompage  par la SAED a été transférée aux G.I.E villageoises. Cependant, ils n’ont pas pu garder le même niveau d’investissements que la SAED. Il s’ensuivit de mauvais aménagements hydro agricoles des périmètres irrigués villages et privés. En effet, le coût élevé de ces derniers ont conduit les producteurs à réduire les investissements aussi bien pour les réseaux d’irrigation et  de drainage que les réseaux de pistes et autres ouvrages de protection.

  En outre, il est vrai que les techniques culturales ont été assimilées en milieu paysan mais l’utilisation de la fertilisation et des pesticides non raisonnée entrainent des gaspillages et des risques pour la santé des consommateurs. De plus, les techniques post-récoltées ont très peu évoluées. Les appareils de transformation du riz paddy ont un rendement discutable et l’aspect brun du riz inadapté aux goûts du consommateur joue en sa défaveur alors que la technologie existe pour y remédier. Le problème central des organisations paysannes reste la commercialisation du riz. D’aucuns se demandent pourquoi ne pas abandonner la production locale.  Il faudrait néanmoins leur souligner que ce choix serait une erreur stratégique.

L’Indonésie est l’un des premiers producteurs de riz au monde. Exportateur depuis de nombreuses décennies, elle risque de réduire son offre sur le marché mondial pour satisfaire sa consommation intérieure. La conséquence immédiate est une montée des prix du riz. Pour des pays comme le Sénégal, ce serait un désastre si nous n’arrivions pas à produire la précieuse céréale. Il est donc pertinent d’investir pour améliorer aussi bien la qualité que la quantité de notre production, dans la formation des producteurs aux métiers de l’agriculture ainsi que l’encadrement de la filière pour la professionnaliser.

Des années 1960 à nos jours, des investissements importants ont été faits pour faciliter l’accès aux terres cultivables, la maîtrise de l’eau et l’accès au crédit. Le désengagement de l’Etat vis-à-vis des organisations de producteurs ne s’est pas déroulé dans les meilleures conditions. Une solution serait de faciliter l’installation des jeunes formées aux métiers de l’agriculture à travers l’accès à la terre, au crédit et l’incubation des petites entreprises. L’autosuffisance alimentaire relève de la sécurité nationale.

Mohamed Seck

Février 2014

De la nécessité des partis politiques au Sénégal

02042012280-5.jpg     Un  parti politique est l’association d’hommes et de femmes en vue de gérer la cité.  Tout naturellement, l’exercice d’un pouvoir fait appel à la concurrence. On constate qu’en Afrique et en particulier au Sénégal, le parti politique s’identifie à une personne (le secrétaire général) avec le triptyque naissance-vie-mort du parti. Il est souvent très difficile au parti de survivre au départ du leader. En l’état actuel des choses, une question se pose, les partis politiques ne sont –ils pas menacés de disparaître ?

 

                 Toute honte bue, nous sommes d’accord avec cette phrase de Senghor : . Il est vrai que pour adhérer à un idéal, le raisonnement seul  n’est pas suffisant. Cependant, les faits sont là, le militant de nos jours adhère à un parti sans pour autant connaître l’idéologie de l’association et sans passer par l’école du parti. De plus, le secrétaire général est le principal bailleur et de facto, le seul  candidat aux joutes électorales. Dans de telles conditions, la démocratie interne fait office de vœux pieux. L’affaire Malick N. Seck en est le dernier exemple. Le modèle semble avoir atteint ses limites et beaucoup de sénégalais se réclament indépendants des partis. Désormais ils éliront les politiques en fonction de leur programme de société.

Le monde évolue, l’électorat aussi ! La nature ayant horreur du vide, il était nécessaire de repenser la gestion des affaires.

 

                  Face aux difficultés dans les structures traditionnelles, certains citoyens ont proposé de nouvelles façons de faire la politique: ce sont les mouvements citoyens. En effet, jouant la carte de la proximité, ces formations ont réussi à séduire rapidement les sénégalais. Le leader n’est plus nécessairement un politicien expérimenté mais un citoyen pouvant venir de toutes les couches de la société. Le succès ne s’est pas fait attendre comme l’attestent les élections locales de 2009.

 

                      Cette structure nouvelle et innovante sera même reconduite lors de la présidentielle. Hélas, l’idée ne fit pas long feu. Les candidats des mouvements citoyens se sont retrouvés moins de trois ans après avec des scores peu satisfaisants lors de la présidentielle et des législatives.

Les raisons sont à chercher sur le caractère symbolique que renvoie l’image du président de la République. Père de la nation, il doit être quelqu’un qui soit bien connu des sénégalais. Et c’est cela le point faible des candidats quasi-néophytes en politique et mal connus sur le plan national.

 

                   En définitive, le parti politique traditionnel, fort de son expérience à travers les années de lutte ou de gestion du pouvoir est difficile à déloger du subconscient de l’homo-senegalensis. Malgré toutes les critiques, il a encore un bel avenir. Ni la nouveauté dans le discours, ni la proximité des leaders « indépendants » ne semblent suffire pour  vaincre l’hégémonie des partis politiques. Les sénégalais préfèrent élire un «  technocrate » au niveau local mais pas à  la magistrature suprême.

 

Mohamed Seck